The Good Business
En à peine vingt ans, l'Espagne aura tout connu, de l'euphorie aux lendemains qui déchantent ; jusqu'à être montrée du doigt comme l'un des plus mauvais élèves de la zone euro. A force de mesures drastiques, elle a su restaurer une économie en miettes.
En difficulté en 2010, le tourisme balnéaire a bénéficié, à partir du Printemps arabe, en 2011, de la disparition de la concurrence sur les rives sud de la Méditerranée. Mais les Espagnols ne se sont pas contentés de l’effet d’aubaine. La profession a compris que l’offre plage et soleil à bas coût ne pouvait suffire à long terme. Elle s’est diversifiée pour proposer une offre plus culturelle et urbaine, notamment grâce à l’accueil des croisières maritimes dans les ports de Barcelone, de Tarragone, de Valence, de Málaga et aux Baléares ou aux Canaries.
Espagne, une instabilité politique préoccupante
Certains secteurs en Espagne, comme la santé, l’éducation, la recherche ou la dépendance, ont beaucoup souffert des années d’austérité et nécessitent des dépenses publiques fortes. « Il est anormal qu’on ne favorise pas les investissements dans les énergies renouvelables, regrette Jorge Fabra. L’Espagne a les meilleurs atouts pour le solaire et l’éolien, mais nous sommes très en retard par rapport aux objectifs, notamment à cause du lobby des compagnies d’électricité. » L’autre frein à une politique publique volontariste est l’instabilité politique du pays. Après dix mois de blocage en 2016 et deux scrutins législatifs peu féconds, le Parti populaire (PP, droite) gouverne en minorité grâce à une coalition fragile. L’exécutif du conservateur Mariano Rajoy ne dispose pas de marge de manœuvre pour poursuivre des réformes structurelles. Le budget 2017, préparé et voté avec beaucoup de retard, doit donc jongler entre, d’une part, les injonctions de Bruxelles, mécontente d’avoir vu déraper le déficit public jusqu’à 5,1 % du PIB en 2015 et 4,5 % en 2016 et, d’autre part, une pression sociale de plus en plus forte. Le ministre des Finances, Cristóbal Montoro, a promis de le ramener à 3,1 % à la fin de l’année, dans les clous fixés par la Commission européenne.
Or, s’il prévoit 14 milliards d’euros d’économies, le budget est moins austère que le précédent. Fini les non-remplacements de fonctionnaires, le gel de leurs traitements, l’emploi massif d’intérimaires dans la fonction publique ou la TVA culturelle à 21 %. Et le gouvernement a accepté une hausse de 8 % du salaire minimal, qui est passé de 655,20 euros mensuels à 707,60 euros. C’est encore insuffisant pour les syndicats, qui réclament des augmentations de salaires. « Nous allons vers un été très chaud, pronostique Robert Tornabell. Les travailleurs ont fait beaucoup d’efforts, ils considèrent que la croissance a davantage bénéficié aux banques qu’à eux-mêmes. » L’Union générale des travailleurs (UGT) rappelle qu’il y a encore 3,7 millions d’Espagnols au chômage, « plus pauvres, avec moins de protections qu’avant, et dont la moitié ne touchent plus d’allocations ». Mais, dans un pays plus habitué au dialogue social à l’allemande qu’à la confrontation, « il peut y avoir un consensus entre les entreprises et les syndicats », espère Jordi Alberich. Finalement, c’est l’instabilité politique qui inquiète le plus les acteurs économiques en Espagne. A la merci quotidienne d’une motion de censure, le gouvernement n’est pas dans une situation des plus confortables pour faire face aux séquelles de la crise. Ni pour rasséréner une société dont la principale préoccupation reste l’emploi (pour 74,7 % des Espagnols selon un récent sondage), mais pour qui la corruption galopante est devenue plus inquiétante (38,7 %) que la situation économique (24,7 %). Les scandales impliquant des personnalités de premier plan autant que de simples élus locaux se succèdent à un tel rythme que la crise politique et morale est en passe de supplanter la crise économique dans les motifs de colère et de désarroi des Espagnols.